Bruno Condé (1920 - 2004)

Conde

Bruno Condé 1981


Le Professeur Bruno Condé vient de s'éteindre à l'âge de 84 ans, au soir d'une vie scientifique exceptionnellement riche au service de l'Université Henri Poincaré (Nancy 1), mais aussi du Musée de zoologie de la Ville et de l'Université et de son aquarium tropical (désormais Muséum-Aquarium de Nancy, Communauté urbaine du Grand Nancy et Université Henri Poincaré, Nancy 1).

Né à Nancy le 5 mars 1920, il est le fils de Marguerite et de Géo Condé, artiste peintre, sculpteur, marionnettiste bien connu des Nancéiens, et qui a sans doute transmis à Bruno les qualités de dessinateur si nécessaires à la précision de ses recherches (mais sans doute aussi celles de musicologue averti : il pratiquait le piano avec brio lors de ses rares moments de détente).

Bruno CONDÉ débute sa carrière universitaire à Nancy en 1943 comme préparateur de botanique à la Faculté des sciences de Nancy. Il est nommé assistant de zoologie en 1945, à la même faculté, dans le service du professeur Paul A. Remy, titulaire de la Chaire de zoologie générale libérée, en 1937, par le Professeur Lucien Cuénot, membre de l'Institut, à qui on doit le bâtiment de la rue Sainte-Catherine à Nancy, qui abrite l'actuel Muséum-Aquarium.

Unanimement reconnu comme éminent naturaliste, grand zoologiste au sens le plus noble du terme, Bruno Condé publie ses premières notes scientifiques en 1945, consacrées aux micro-arthropodes terrestres, objet des préoccupations du laboratoire de son illustre maître Paul Remy. Sa thèse de Docteur ès-sciences naturelles, soutenue en 1955, consacrera une première étape de sa longue carrière au service de la systématique, tâche ô combien nécessaire, qui exige du taxonomiste un esprit d'observation à toute épreuve et des descriptions particulièrement minutieuses. Trop décriée à ses yeux, "la systématique, est et restera, quoi qu'on en dise ou qu'on en médise, le socle incontournable de l'écologie", aimait-il répéter. Elle est aujourd'hui et restera, quoi qu'on en pense, le vecteur indispensable à la compréhension de la biodiversité.

Sur les 317 publications scientifiques signées ou co-signées par B. Condé, l'essentiel se rapporte à l'étude des petits Arthropodes terrestres, spécificité traditionnelle du laboratoire de la rue Sainte-Catherine. Avec le concours de son premier élève, son équipe va acquérir une notoriété internationale dans le domaine de la méso-faune du sol en général, et en particulier des insectes Campodés. S'ajouterons à cette orientation zoologique celle des myriapodes Pénicillates, Tardigrades, Palpigrades... Ce qui pourrait laisser entrevoir une spécialisation affichée de B. Condé pour un phyllum particulier des "raréates", les petits invertébrés très rares dont personne ne se préoccupe.

Cette notoriété lui a valu de participer à de nombreuses missions scientifiques. Celle qui eut lieu au Gabon, dans le cadre d'une étude de la faune du sol de la grande forêt équatoriale, sera cruellement marquée par la disparition subite, et en sa présence, de son maître, P. Remy, lui-même spécialiste notoire de groupes taxonomiques un peu rares tels que les Pauropodes ou les Symphyles.

Parallèlement à son domaine de prédilection, une autre spécialité zoologique marquera la carrière de B. Condé : le Chat « sauvage » ou Chat sylvestre, dont il deviendra le grand spécialiste français. Dans le cadre de la thèse de l'un de ses élèves, du Muséum de Genève, les publications scientifiques des deux auteurs vont bousculer les idées reçues au sujet de cette espèce menacée mais qui, par chance, reste encore assez bien représentée sous nos latitudes.

Son élevage, qui débuta au laboratoire, se poursuivit dans un vaste enclos implanté sur les dépendances de la demeure de ses parents à Velaine-en-Haye , mais aussi dans sa résidence privée dont la chambre à coucher n'était évidemment pas exclue ! Il en résulta de nombreuses observations inédites sur le comportement diurne, et nocturne de cette espèce de félidé d'Europe.

Un malheureux accident de voiture, survenu lors d'une mission d'enquête sur le Chat sauvage en région Lorraine, l'éloigna plusieurs mois des activités de son laboratoire, et par suite l'élevage du Chat dut être abandonné à son grand regret. Toutefois, son intérêt pour les travaux scientifiques relatifs à cette espèce ne s'est jamais démenti.

Enfin, il convient de rappeler également les responsabilités de B. Condé, au niveau du Musée de zoologie dont il assurera la sous-direction en qualité de chef de travaux de zoologie dès l'année 1955, puis la direction à partir de 1962 en qualité de professeur des universités.

Avec l'aide d'un autre collaborateur, nommé en 1963, les années qui suivirent furent marquées par la naissance de l'Aquarium Tropical de Nancy, d'abord sous forme d'expositions temporaires, puis permanentes, dans le cadre des activités du Cercle aquariophile de Nancy.

A partir de 1971, date du départ des services de zoologie vers le nouveau campus universitaire de Vandeuvre, l'aquarium prit son plein essor. Son activité scientifique, diffusée dans son périodique trimestriel, la Revue française d'Aquariologie, Herpétologie, lui valut rapidement une renommée internationale, attirant la collaboration des plus grands ichthyologistes mondiaux, spécialistes de la faune des eaux continentales et marines tropicales.

L'activité d'enseignant-chercheur de B. Condé, à été servie par ses qualités pédagogiques très appréciées de dizaines de promotions d'étudiants de tous les cycles universitaires, la clarté de ses cours n'ayant d'égale que la trotale permanence de sa disponibilité, de jour comme de nuit !

Il était, entre autres, correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Washington, du Muséum de Genève, et du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, où l'une de ses élèves et collaboratrice poursuit une partie de son oeuvre sur les myriapodes ; mais aussi du célèbre British Museum, président de la Société zoologique de France (SZF) et membre fidèle de la Société Internationale de Biospéologie (SIBIOS) et du Centre International de Myriapodologie (CIM), dont il venait tout juste d'être nommé membre honoraire.

Ses nombreuses missions et travaux, son dévouement sans limite à la cause de la recherche et de l'enseignement lui ont valu plusieurs distinctions honorifiques, notamment le Grand Prix de l'Académie Stanislas et les Palmes académiques, qui témoignent des qualités exceptionnelles de ce naturaliste hors du commun.

A sa famille, ses collègues et ses amis, nous présentons nos condoléances attristées et l'assurance de notre admiratif souvenir.


Jean-Jacques Geoffroy, February 2004

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Bruno Condé at scientific meeting



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